IVRESSE DE L’OEIL

« Lorsqu’il parcourt la planète, Jacques Borgetto observe les signes et les formes que la réalité s’amuse à lui offrir, la restituant en une mosaïque d’images dont le montage cut permet de révéler des correspondances inattendues : entre une petite fille noire à la robe blanche portant un bouquet de fleurs et l’océan roulant sur des rochers, entre des jeux de plage et une chapelle de campagne, entre une antenne de télévision et une cage à oiseaux, entre une mère protégeant son enfant sous un parapluie et la place d’une ville anonyme photographiée derrière une vitre.

Ayant évacué la lourdeur de la chambre 4 x 5 pour la légèreté du téléphone portable, la précision technique pour le geste libre de la petite boîte de vision tenant dans la poche, le photographe globe-trotteur a parié sur l’instantanéité de ce qui surgit plutôt que sur le dispositif qui construit de la belle image.

Qu’il soit en France, au Tibet, au Mali, au Japon, en Argentine, au Chili ou en Norvège, Jacques Borgetto poursuit inlassablement en actes photographiques un journal intime ayant pour ambition de fixer des vertiges, des sensations, d’étranges perceptions, des étonnements, des riens qui sont des totalités, le ballet enchanteur de l’existant. » […]

Fabien Ribery


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SI PRES DU CIEL

« Depuis 2007, j’ai parcouru le Tibet de nombreuses fois et en toute saison.
À chaque voyage, j’ai constaté de nombreuses évolutions du territoire : les routes, les autoroutes morcellent de plus en plus les paysages des grands plateaux. J’ai souvent pensé que ces changements serviraient les Tibétains.
Il n’en est rien : aucune infrastructure n’est destinée à desservir les petites villes et les campements. La colonisation chinoise est de plus en plus évidente à Lhassa, ville sainte.
Cette politique s’accompagne d’une destruction de l’habitat tibétain, remplacé par la construction de logements à destination des Chinois. Cette politique volontariste tend aussi vers la sédentarisation des nomades des hauts plateaux avec pour corollaire la construction de villes nouvelles. » […]

Jacques Borgetto


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EVANESCENCE

Le Japon représente un nouveau chapitre dans le parcours et dans l’œuvre de Borgetto, un chapitre où résonne une autre et nouvelle musique. De ses derniers voyages, il a rapporté une série de petites images, précieuses comme des bijoux. Envoûtantes comme des élixirs et apaisantes comme du baume. Très différentes des précédentes par leur forme et leur composition, mais encore une fois habitées par une pudeur et une délicatesse dont il est maître.
Le nom de la série « Évanescence » restitue bien l’esprit d’une photographie empreinte de respect et de nostalgie pour un monde qui perpétue encore le culte du passé et des traditions. Au cœur du Japon d’aujourd’hui, dans une dimension hors du temps, survivent les rituels des vœux et des offrandes aux dieux, aux temples de la cité monastique de Koyosan, bien que l’on puisse désormais y arriver directement depuis l’aéroport et que les tours touristiques s’y succèdent, tout au long de la journée.
Tout comme se poursuit l’enchantement des promenades rituelles, le long du Chemin de la Philosophie, au milieu des cerisiers et de la végétation, immuable depuis des siècles, des jardins de Kyoto.

Laura Serani


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BUENOS AIRES

On dit que tu as été fondée deux fois, jadis au XVIe siècle, mais pour moi, c’est un abrazo* qui t’a réinventée. Ce ne fut personne et ce fut tout le monde : ceux qui étaient déjà là, les peuples d’origine, Espagnols, Créoles, et ceux qui sont descendus des bateaux à la fin du XIXe siècle, Italiens, Galiciens, Russes… Ils ne se comprenaient pas, mais se sont enlacés en une danse, née avec toi et toujours vivante aujourd’hui : le tango. De cet abrazo, tu as éclos. Ville hétérogène, riche, mutante, contradictoire, immense ! La cuisine de tes restaurants est aussi variée que les visages de tes habitants ; tu leur ressembles tant que tu finis par ne ressembler qu’à toi-même. Dans tes rues se mêlent architectures et traditions les plus diverses ; des arbres partout, jacarandas, tipas, belombras, des librairies et des cafés, le magnifique théâtre Colón, un compliment à chaque coin de rue, les foulards blancs des Mères de la place de Mai… Et encore tes bidonvilles et tes quartiers de luxe, tes parcs tracés par Carlos Thays et tes décharges où fouillent les cartoneros, collecteurs de carton. Enfin, le Rio de la Plata, ce beau et large fleuve… dans lequel on a jeté nos frères vivants.

Elsa Osario
Traduit de l’espagnol par François Gaudry
* abrazo : accolade, geste pratiqué à chaque rencontre entre deux personnes.






TERRES FOULEES

Ce livre recueille des images faites récemment par Jacques Borgetto dans le cadre d’une résidence à la cité du cheval à Maisons-Laffitte. Habituellement son terrain de prédilection est en lien avec le voyage en Argentine, au Chili ou au Tibet.
Cette nouvelle série de photographies est loin de tout exotisme, c’est son auteur même qui déplace sa propre personne, sa propre solitude et sa propre perception.
Jacques Borgetto vient au cours des mois de mars à mai s’immerger dans le milieu de l’hippisme à Maisons-Laffitte. Le résultat de cette immersion donne lieu à ce livre et à une exposition. L’année passée nous avions publié le livre Pur-Sang avec Klavdij Sluban et Diana Lui. Le photographe nous fait voyager, découvrir ou analyser des cadrages fragmentés en noir et blanc à l’intérieur d’un milieu clos.
Une exposition se déroulera à Maisons-Laffitte dans le cadre des « Troisièmes rencontres photographiques » sur le thème de l’hippisme du 25 juin au 30 octobre 2011.

Thierry Dumanoir


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NOUS AVONS FAIT UN TRES BEAU VOYAGE

Bernard Plossu, Françoise Nuñez, Jacques Borgetto, Sophie Zénon
Tous les photographes ici réunis entendent le voyage comme on l’entendait autrefois. Avec du temps devant et de l’espace autour, avec la place pour coudre l’imaginaire et le réel, loin des flux touristiques et du syndrome de la collection de lieux.
Jacques Borgetto sillonne, parcourt et photographie depuis des années l’Amérique latine, une terre à laquelle il appartient, qui le tient et qu’il restitue avec force et précisions, une vision peu enclin aux clichés.
Sophie Zénon, grande voyageuse, a sillonné à maintes reprises l’Asie, notamment la Mongolie, la Sibérie extrême-orientale et le Cambodge que l’on retrouve, revisités, dans ses images.
Encore plus loin de l’exotisme et au plus proche du langage poétique, avec Françoise Nuñez et Bernard Plossu, le voyage devient sentimental. Les lieux ne sont que prétextes et décors, la vraie destination est l’autre. Du Mexique à l’Italie, de la Grèce à l’Andalousie, leur regards, en partant du même point de vue, donnent une vision stéréoscopique, où la photographie est autant le reflet de visions intérieures que de la réalité.

Laura Serani


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L’AUTRE VERSANT DU MONDE

La route, donc  notre chemin, peut être inscrite de mots. Mais, on le sait, encore, de visages fixés à la fraction de la seconde, de paysages façonnés comme des ombres tenaces, de lignes pures qui recréent la sensation. Où trois petites silhouettes d’enfants mennonites, un chien blanc presque fantomatique, une fête de village avec ses danseurs aux corps arqués comme dans une peinture de Botero, ou simplement, le vide et l’espace d’un parking crépusculaire, s’inscrivent dans notre regard. Les trajets photographiques de Jacques Borgetto au Chili ou en Argentine – des salines d’Atacama au geyser de del Tatio, ou de la pampa Santa Rosa à la péninsule de Valdés – ne sont presque plus des lieux.Exposition dans le cadre de la VIe éditions des Promenades Photographiques de Vendôme (41) du 18 juin au 19 septembre 2010.L’autre versant du monde est le premier livre de Jacques Borgetto.

Christiane Rancé, Laurent Boudier


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L’HOMME ET L’OLIVIER

Quelqu’un, un peintre, caressant un de mes oliviers fleuris a murmuré « Toi, olivier, mon frère ! » Il était ravi de le voir si jeune, fait de pousses ressuscitées du grand gel de 1956, si vigoureux sur quatre hautes jambes fines brodées de larges feuilles et de millions de petites fleurs. Des fleurs sorcières, de ce blanc d’ivoire verdâtre au parfum enivrant comme celui des vignes, magnifique sorcier pour nous mais désespérant pour un peintre (…) Comme jadis, je crie, récolte faite, à tous les amis oliveurs  » A table, et que cet aïoli pétille » ! Les rires, les chansons doivent monter vers vous, vers tous les en-allés d’ici en ce jour des Morts, ce jour de Joie pleine qui termine au soleil nos déjà belles olivades. Mais, regardant silencieuse mon humble verger dépouillé, j’évoque à sa place, la pure mer grecque, le mont qui hausse Delphes vers ses dieux et le bois d’oliviers intouchés, intouchables, sacrés, de trois millions d’arbres qu’elle dédie royale, à Apollon.

Marie Mauron